Willems Edouard - Haiti : Droit d'auteur et propriété intellectuelle

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Droit d'auteur et Protection des arts plastiques

Haïti abrite un peuple d'artistes dit-on. Expositions ambulantes sur les tap-tap, bourgeonnement de murales dans les quartiers, galeries du soleil à travers les villes, installations centenaires dans les humfor ; bref les arts plastiques foisonnent. Les rues font de chaque passant un regardeur. Peinture, sculpture, architecture, tout bien d'autres jouit de la protection du droit d'auteur.

Les œuvres d'art protégées

Le décret de 1968 en son article 11donne une liste. On y trouve " les dessins, les illustrations, les peintures, les sculptures, les gravures, les lithographies, etc ". Cette protection s'étend également " aux œuvres d'art, exécutées principalement à des fins industrielles... " conclut l'article 13. Elle ne touche pas les copies qui sont pourtant protégées par le droit d'auteur. Font aussi objet de protection esquisses et dessins participant de la composition d'une toile. De même que les croquis, plans, maquettes conçus en vue de la construction d'un édifice. Sans oublier, d'une part, les plâtre, fonte, moule ou dessin servant à la réalisation d'une sculpture, d'autre part, les planches gravées destinées à l'impression des gravures. Enfin, il faut mentionner également les essais précédant une illustration ou un dessin. Comme vous l'avez constaté, outre, l'œuvre plastique proprement dite, la protection vise aussi les épreuves1.

Conditions de protection

L'article 41 du décret donne le ton. Une œuvre est protégée " du seul fait de sa création, indépendamment de toute formalité administrative ". A ce critère, il faut adjoindre un autre obligatoire : il s'agit de l'originalité. L' ouvrage plastique qui en est dépourvu ne jouira d'aucune protection. Cependant, en ce qui concerne les œuvres obtenues à partir d'un moule ou d'une planche il y a de la place pour le doute quand on sait que les créations y afférentes peuvent exister en autant d'originaux qu'il y a de copies2. Réalité de la création que le texte en vigueur ignore.

Auteurs des œuvres d'art

Les peintre, les sculpteurs, les dessinateurs, les architectes. Les restaurateurs3 et les copistes aussi. Il suffit que ces derniers laissent un peu l'empreinte de leur personnalité. Outre le cas des ouvriers artistes4, un créateur d'œuvres plastiques n'a qui plus la capacité physique lui permettant de réaliser lui même ses toiles ou sa sculpture peut se voir attribuer le titre d'auteur5 si l'ouvrage en question est une idée à lui réalisée sous sa direction et son contrôle.

Droits sur les œuvres d'art

La protection des œuvres procure à leur auteur des droits. Sous la législation haïtienne encore en vigueur, pareil. Un auteur a le droit de signer ou non l'œuvre qu'il a faite (art.6). C'est le droit de paternité. S'y substituer constitue un acte de contrefaçon (art.21). Car l'apposition de signature sur une œuvre est une prérogative d'auteur. La modification aussi. En effet, il n'y a que l'auteur d'un ouvrage à pouvoir y apporter des transformations (art.9). L'acheteur qui s'y aventure pose un acte contraire à la loi. Ce qui signifie que l'achat d'une collection de tableau n'autorise aucunement l'acquéreur à les montrer dans une exposition. Le faire c'est violer le droit de divulgation. Droit de paternité, d'intégrité, de divulgation ; la législation haïtienne actuelle s'arrête là. Le droit de repentir patiente dans les dispositions de la nouvelle loi sur le droit d'auteur et les droits voisins. L'ensemble représente le " droit moral ou extrapatrimonial, non susceptible d'évaluation pécuniaire, demeure intangible et est inaliénable et insaisissable "(art.7).

Outre le droit moral, un auteur bénéficie également des droits patrimoniaux. Ce sont des droits destinés à faire profiter à un auteur plasticien des exploitations de son œuvre. Le décret en vigueur garantit le droit de reproduction seulement (art.10). Ce qui fait qu'un tableau vendu ne peut pas devenir une carte postale ou figurer dans un catalogue car l'aliénation de la toile n'emporte pas celle du droit de reproduction de l'artiste. Cette même règle s'applique en ce qui concerne la fixation des œuvres plastiques par impression, dessin, gravure, photographie, procédés cinématographiques, numériques. etc. Car " Quiconque aura publié, reproduit, exposé, ..., sans être muni du consentement écrit de l'auteur, ou de ses héritiers ou des ayants cause, une œuvre artistique... dont il n'aura pas acquis la propriété (c'est-à-dire les droits) est coupable de délits de contrefaçon... " (art.27). En dehors du propriétaire d'une œuvre d'art, le photographe comme le caméraman n'en sont pas exempts. Si une œuvre protégée devient le sujet principal6 de leur prise de vue; ces derniers tomberont aussi sous le coup de la loi.

Outre le droit de reproduction, ignore un dernier le décret de 1968. Il s'agit du droit de suite que la nouvelle loi prend en compte. Ce droit intervient quand une œuvre plastique antérieurement cédée prend de la valeur. Il importe de faire bénéficier à son auteur de cette plus value7. C'est un pourcentage allant de 2 à 25%8 selon les législations. Il est inaliénable. A la mort d'un auteur, il reste dans le patrimoine de la famille et ne peut être exercé que par les héritiers.

Comme vous le savez, les œuvres plastiques font objet de commerce. Et puisqu'il s'agit de l'exploitation de créations de l'esprit, le recours au droit d'auteur s'impose. Peintres, sculpteurs, dessinateurs, bref les artistes en tireront un avantage financier. Et le patrimoine artistique et culturel du pays un bien meilleur sort.

__________

1 Natalie Tomasini, l'art et la loi, Ed. CEDAT, Paris, 1999.

2 Ibid

3 Pierre-Yves Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUP 2e ed., Paris, 1996.

4 Claude Colombet, Propriété littéraire et artistique, Dalloz 2e ed., Paris, 1980.

5 Ibid

6 A. Lucas, H.J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Ed. Litec, Paris, 1994.

7 Voir 1

8 Delia Lipszyc, Droit d'auteur et droits voisins, Ed. UNESCO, Paris, 1997.


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