Droit d'auteur et Protection des arts
plastiques
Haïti abrite un peuple d'artistes dit-on.
Expositions ambulantes sur les tap-tap,
bourgeonnement de murales dans les quartiers,
galeries du soleil à travers les villes,
installations centenaires dans les humfor ; bref les
arts plastiques foisonnent. Les rues font de chaque
passant un regardeur. Peinture, sculpture,
architecture, tout bien d'autres jouit de la
protection du droit d'auteur.
Les uvres d'art protégées
Le décret de 1968 en son article 11donne une
liste. On y trouve " les dessins, les
illustrations, les peintures, les sculptures, les
gravures, les lithographies, etc ". Cette
protection s'étend également " aux uvres
d'art, exécutées principalement à des fins
industrielles... " conclut l'article 13. Elle ne
touche pas les copies qui sont pourtant protégées
par le droit d'auteur. Font aussi objet de protection
esquisses et dessins participant de la composition
d'une toile. De même que les croquis, plans,
maquettes conçus en vue de la construction d'un
édifice. Sans oublier, d'une part, les plâtre,
fonte, moule ou dessin servant à la réalisation
d'une sculpture, d'autre part, les planches gravées
destinées à l'impression des gravures. Enfin, il
faut mentionner également les essais précédant une
illustration ou un dessin. Comme vous l'avez
constaté, outre, l'uvre plastique proprement
dite, la protection vise aussi les épreuves1.
Conditions de protection
L'article 41 du décret donne le ton. Une
uvre est protégée " du seul fait de sa
création, indépendamment de toute formalité
administrative ". A ce critère, il faut
adjoindre un autre obligatoire : il s'agit de
l'originalité. L' ouvrage plastique qui en est
dépourvu ne jouira d'aucune protection. Cependant,
en ce qui concerne les uvres obtenues à partir
d'un moule ou d'une planche il y a de la place pour
le doute quand on sait que les créations y
afférentes peuvent exister en autant d'originaux
qu'il y a de copies2. Réalité de la création que
le texte en vigueur ignore.
Auteurs des uvres d'art
Les peintre, les sculpteurs, les dessinateurs, les
architectes. Les restaurateurs3 et les copistes
aussi. Il suffit que ces derniers laissent un peu
l'empreinte de leur personnalité. Outre le cas des
ouvriers artistes4, un créateur d'uvres
plastiques n'a qui plus la capacité physique lui
permettant de réaliser lui même ses toiles ou sa
sculpture peut se voir attribuer le titre d'auteur5
si l'ouvrage en question est une idée à lui
réalisée sous sa direction et son contrôle.
Droits sur les uvres d'art
La protection des uvres procure à leur
auteur des droits. Sous la législation haïtienne
encore en vigueur, pareil. Un auteur a le droit de
signer ou non l'uvre qu'il a faite (art.6).
C'est le droit de paternité. S'y substituer
constitue un acte de contrefaçon (art.21). Car
l'apposition de signature sur une uvre est une
prérogative d'auteur. La modification aussi. En
effet, il n'y a que l'auteur d'un ouvrage à pouvoir
y apporter des transformations (art.9). L'acheteur
qui s'y aventure pose un acte contraire à la loi. Ce
qui signifie que l'achat d'une collection de tableau
n'autorise aucunement l'acquéreur à les montrer
dans une exposition. Le faire c'est violer le droit
de divulgation. Droit de paternité, d'intégrité,
de divulgation ; la législation haïtienne actuelle
s'arrête là. Le droit de repentir patiente dans les
dispositions de la nouvelle loi sur le droit d'auteur
et les droits voisins. L'ensemble représente le
" droit moral ou extrapatrimonial, non
susceptible d'évaluation pécuniaire, demeure
intangible et est inaliénable et insaisissable
"(art.7).
Outre le droit moral, un auteur bénéficie
également des droits patrimoniaux. Ce sont des
droits destinés à faire profiter à un auteur
plasticien des exploitations de son uvre. Le
décret en vigueur garantit le droit de reproduction
seulement (art.10). Ce qui fait qu'un tableau vendu
ne peut pas devenir une carte postale ou figurer dans
un catalogue car l'aliénation de la toile n'emporte
pas celle du droit de reproduction de l'artiste.
Cette même règle s'applique en ce qui concerne la
fixation des uvres plastiques par impression,
dessin, gravure, photographie, procédés
cinématographiques, numériques. etc. Car "
Quiconque aura publié, reproduit, exposé, ..., sans
être muni du consentement écrit de l'auteur, ou de
ses héritiers ou des ayants cause, une uvre
artistique... dont il n'aura pas acquis la
propriété (c'est-à-dire les droits) est coupable
de délits de contrefaçon... " (art.27). En
dehors du propriétaire d'une uvre d'art, le
photographe comme le caméraman n'en sont pas
exempts. Si une uvre protégée devient le
sujet principal6 de leur prise de vue; ces derniers
tomberont aussi sous le coup de la loi.
Outre le droit de reproduction, ignore un dernier
le décret de 1968. Il s'agit du droit de suite que
la nouvelle loi prend en compte. Ce droit intervient
quand une uvre plastique antérieurement
cédée prend de la valeur. Il importe de faire
bénéficier à son auteur de cette plus value7.
C'est un pourcentage allant de 2 à 25%8 selon les
législations. Il est inaliénable. A la mort d'un
auteur, il reste dans le patrimoine de la famille et
ne peut être exercé que par les héritiers.
Comme vous le savez, les uvres plastiques
font objet de commerce. Et puisqu'il s'agit de
l'exploitation de créations de l'esprit, le recours
au droit d'auteur s'impose. Peintres, sculpteurs,
dessinateurs, bref les artistes en tireront un
avantage financier. Et le patrimoine artistique et
culturel du pays un bien meilleur sort.
__________
1 Natalie Tomasini, l'art et la loi, Ed. CEDAT,
Paris, 1999.
2 Ibid
3 Pierre-Yves Gautier, Propriété littéraire et
artistique, PUP 2e ed., Paris, 1996.
4 Claude Colombet, Propriété littéraire et
artistique, Dalloz 2e ed., Paris, 1980.
5 Ibid
6 A. Lucas, H.J. Lucas, Traité de la propriété
littéraire et artistique, Ed. Litec, Paris, 1994.
7 Voir 1
8 Delia Lipszyc, Droit d'auteur et droits voisins,
Ed. UNESCO, Paris, 1997.