Copyright, droit d'auteur et statut
d'auteur
L'internationalisation de la circulation des biens
et le regroupement des marchés imposent pour le
circuit économique des navettes entre des systèmes
juridiques opposés. En Europe Common Law versus
régime romano-germanique. En Amérique, même
réalité. Si tout, aujourd'hui, semble aller vers la
civilisation du même, village global ne rime pas
nécessairement avec tradition juridique identique.
La législation anglo-saxonne
Les législations anglo-saxonnes consacrent le
copyright. Etre auteur dans ce système signifie
être détenteur d'un droit de copie. Le
propriétaire de l'uvre reproduite peut la
multiplier à son tour en une quantité suffisante
pour assurer sa divulgation. Cette conception
assimile l'uvre à un bien. Ainsi, les droits
que l'on détient portent sur un objet réel. Outre
son attachement à la notion de propriété, ce
régime juridique reconnaît le titre d'auteur aux
entreprises spécialisées dans l'exercice d'une
activité. Ainsi, la distribution de programmes
câblés, les enregistrements sonores, la production
cinématographique permettent à des maisons de
production de s'attribuer la qualité d'auteur.
Biens, activités technico-industrielles ; le
copyright a tendance à protéger davantage les
investissements financiers. Privilégiant les
intérêts économiques, les lois de ce système
n'envisagent pas le droit du point de vue du
créateur. Une simple acquisition habilite un
individu à devenir auteur. Et, selon la loi
américaine " s'agissant des uvres crées
dans le cadre des works made for hire, l'employeur ou
toute autre personne pour laquelle l'uvre a
été réalisé est considérée comme l'auteur aux
fins du titre 17 et, sauf stipulation contraire
figurant dans un instrument écrit signé par les
parties, retient tous les droits compris dans les
droits d'auteur. " rapporte Lipszyc Delia1.
Auteur de fait, le propriétaire d'une uvre n'a
pas à solliciter l'autorisation du vrai
réalisateur. Voilà ce qui explique la décision2 de
Turner Entertainment de colorier " The Asphalt
jungle " sans le consentement de John Houston,
l'auteur véritable.
Cette conception de la notion d'auteur ne s'impose
pas partout, heureusement. Sinon dans les pays du Sud
où l'argent constitue une denrée rare, que de
créateurs perdront leur titre d'auteur pour un
pécule.
Le système romanogermanique
La législation haïtienne se réclame du système
romanogermanique. Contrairement à la conception
anglo-américaine, dans ce régime " le droit
d'auteur est un droit de la personnalité pouvant
uniquement prendre naissance dans le chef d'un
individu3 ". Voilà pourquoi en Haïti, aucune
cession de droits ne peut annuler le titre d'auteur
d'un créateur. C'est un privilège accordé à un
exploitant pour un temps donné. Portant non pas sur
l'uvre comme objet, mais sur la propriété
immatérielle qui y est liée. Ainsi, un créateur
qui aliène sa propriété intellectuelle ne cède
pas un bien, mais en tout ou en partie un droit sur
lequel il détient un monopole d'exploitation. Ce
droit naît sur les nombreuses utilisations
susceptibles de rythmer la vie de sa création.
Droit exclusif, auteur à vie ; aujourd'hui le
rôle de la propriété intellectuelle dans
l'industrie culturelle, la réalité internationale
de toute diffusion invitent à questionner
l'opposition des deux systèmes.
Un timide rapprochement
De nos jours, plusieurs indices témoignent d'un
rapprochement. En effet, aux Etats-Unis, en 1989, le
Berne Convention implementation est publié pour
faciliter l'adhésion de ce pays au Traité de
l'Union. La législation des Etats comme Carlifonie,
NeW York, Louisiane, etc. reconnaît le droit moral.
Dans le domaine du cinéma où le mauvais exemple
était l'attribution à titre originaire du droit
d'auteur à une personne morale exclusivement, une
nouvelle ère commence à poindre. Selon " The
New York times on the web du 5 février 1999, la
Colombia Pictures a accepté de payer des droits à
des auteurs ainsi qu'à des coauteurs pour
l'exploitation de leurs uvres.
En France où domine la vision latine, la
situation a aussi évolué. Un arrêt4 du Tribunal de
Grande instance de Nanterre a reconnu aux producteurs
des jeux vidéo la qualité d'auteur. Tous des signes
témoignant qu'on s'achemine vers un fléchissement
du copyright et du droit d'auteur.
Des barrières commencent à tomber. Cependant une
hirondelle ne fais pas le printemps. Car comment
expliquer à un musicien haïtien qui a vendu à un
producteur établi aux U.S.A son droit de
reproduction sur ses compositions pour la
réalisation d'un disque qu'il perd ses droits sur
ses chansons en vertu de la législation
anglo-saxonne. Réalité paradoxale certes, mais
l'intégration d'Haïti au Centre Régional de
Gestion Collective où prédomine le copyright ne
manquera pas d'occasionner des conflits sur la
qualité d'auteur.
S'isoler ou aliéner le droit des créateurs du
pays ? ni l'un, ni l'autre. Puisque la loi haïtienne
consacre le droit moral, n'est-il pas opportun, en
droit international privé, de réfléchir déjà sur
le régime juridique applicable au droit de la
personnalité si l'on ne veut que " la
commercialisation du bien culturel s'affranchit de
tout tribut aux auteurs qui l'on créé.5"
________
1 Lipszyc Delia, Droit d'auteur et droits voisins,
Ed. UNESCO, 1997, Paris.
2 Ginsburg Jane, Sirnelli Pierre, " Auteur,
création et adaptation en droit International privé
et en droit interne français, réfléxions à partir
de l'affaire Houston " RIDA, octobre 1991, pp. 3
-57.
3 Corbet Jan, " le développement technique
conduit-il à un changement de la notion d'auteur ?
" RIDA, pp. 59-101.
4 Gallot Marie-Anne, " Quel régime pour les
jeux vidéo ? ", Livres-Hebdo, p. 49.
5 Josselin-Gall Muriel, les contrats
d'exploitation du droit de propriété littéraire et
artistique, étude de droit comparé et de droit
international privé, E. GLN/ Joly, Paris 1995.