Willems Edouard - Haiti : Droit d'auteur et propriété intellectuelle

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Droit d'auteur et protection internationale des œuvres Par Willems Edouard

Les œuvres circulent. Les créateurs aussi. Leur protection internationale est nécessaire. Mais d'un pays à un autre, les législations diffèrent. Le cadre de protection également. L'adoption du copyright par certains Etats de la région, l'adhésion au droit latin par d'autres font que des œuvres ou des créateurs peuvent se retrouver dans des Etats appartenant à des systèmes juridiques distincts. Car une œuvre peut être née en Haïti et devoir être mise en circulation aux U.S.A. Sa migration risque engendrer des conflits de lois en opposant des familles de droit. Circulation internationale des œuvres et des auteurs, protection inégale ; les législations nationales ne peuvent se contenter de protéger les seuls ressortissants de leur Etat respectif.

En effet, la mise en circulation des biens culturels, dans les espaces national et international, ne se fait pas toujours en conformité avec les règles de droit. Lutter contre les utilisateurs d'œuvres peu soucieux du droit des créateurs commande déjà au plan local de tenir compte de la présence d'œuvres ou d'auteurs étrangers. Quand un fait dommageable (le piratage, l'atteinte à l'intégrité ou l'incapacité pour un créateur d'exercer ses droits légitimes) affecte les droits d'un auteur. Ce dernier doit pouvoir solliciter la justice du pays où sa création est exploitée dans l'irrespect des principes du droit. Entreprendre pareille démarche, plus que la reconnaissance des droits, dépendra davantage des mesures qu'un pays prend pour faciliter la circulation internationale des artistes et biens culturels.

Protéger sans discrimination à l'égard des étrangers et de leurs œuvres, il faut le reconnaître, n'a pas laisser indifférents les législateurs nationaux comme l'atteste l'article 42 du décret de 1968 stipulant que " sont protégés, sous le bénéfice de la réciprocité reconnue par leur loi interne, à l'égal des droits attribués aux auteurs haïtiens, les droits des auteurs étrangers, ressortissants d'un Etat étranger lié par les même Conventions internationales qu'Haïti, sur tous les ouvrages fruits de l'intelligence, quelles qu'en soient la nature, la valeur, l'étendue ou la destination... "

L'énoncé de cet article, s'il met en exergue le principe de la protection réciproque, nie celui d'assimilation reconnu par l'article 3 alinéa 2 de la Convention de Berne précisant que " les auteurs ne ressortissant pas à l'un des pays de l'Union, pour les œuvres qu'ils publient pour la première fois dans l'un de ces pays ou simultanément dans un pays Etranger à l'Union et dans un pays de l'Union " bénéficient du même traitement que les nationaux. La Convention Universelle aborde dans le même sens en accordant sa protection à toute œuvre d'un ressortissant d'un Etat non lié publiée pour la première fois dans l'un des Etat adhérents (article II). Ainsi, le critère réel prime sur celui de la nationalité. En effet, en matière de droit d'auteur, la nationalité d'une œuvre est celle du lieu de sa publication. De ce fait, même si la Convention Universelle ne reconnaît pas le critère de la nationalité qui renvoie à l'individu créateur, elle ne nie pas qu'une création divulguée sur le territoire d'un Etat lié, même si son auteur ne vient pas d'un pays contractant, soit une œuvre de cet Etat. Cette même règle de protection qui met en évidence la tendance à la multilatéralisation caractérise également la Convention de Buenos Aires. Sa ratification par Haïti (1919) signifie que le pays, en matière de protection d'œuvres, s'en tient au critère réel.

Les dispositions de ces différents instruments internationaux évoqués précédemment montrent de flagrantes contradictions entre le stipulé de l'article 42 du décret de 1968 et l'esprit de ces Conventions. Aussi, ce constat ne risque-t-il pas d'avoir pour effet de dissuader un ressortissant d'un Etat non lié de s'établir, de diffuser comme de publier en Haïti ?

Traitement national, lieu de première publication, pays d'accueil ou de réception ; la réglementation de la circulation des créateurs et d'œuvres est fortement liée à la notion d'espace. Il s'agit de pouvoir repérer un fait dommageable ou de réclamer une protection comme d'exercer un droit dans un espace géographique localisable. Voilà pourquoi la protection que propose la plupart des législations locales trouve son fondement dans la notion de territoire. Aujourd'hui, l'intrusion du numérique en inventant le cyberespace, abolit, en ce qui concerne la diffusion d'œuvres, la notion d'espace physique.

En tout cas, autre temps, autre débat ; un même souci doit alimenter les réflexions. Car encourager la mobilité des créateurs et de leurs productions intellectuelles requiert une politique d'ouverture que seule l'action publique peut favoriser en définissant des stratégies non pour nuire au développement des échanges, mais pour éviter les faits dommageables affectant les cultures locales. Aussi importe-t-il de prendre des décisions qui impriment la volonté d'inscrire l'action juridique dans une perspective internationale.


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Publication web - 30 mai 2002
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Gotson Pierre
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