Protection de la propriété
littéraire et artistique en Haïti
La notion du droit d'auteur est plus que
séculaire en Haïti. En effet, on a commencé a
protégé les créations chez nous dès l'année 1864
sous Géffrard. Une seconde loi est publiée en 1886
sous Salomon. Le dernier né de la série est le
décret du 9 janvier 1968, texte qui va faire l'objet
de la présentation d'aujourd'hui.
La protection des uvres et le
décret de 1968
Selon l'article 41 du décret de 1968: "La
propriété littéraire, sur une uvre de
l'esprit existe de plein droit, du seul fait de sa
création, indépendamment de toute formalité".
Ce qui est bien. Car la protection n'est liée à
aucune formalité administrative. Pour bénéficier
de cette protection, l'existence de l'oeuvre suffit.
Il ne faut ni enregistrement, ni dépot. Cependant,
il faut convenir que l'attribution de la protection
du seul fait de la création n'est pas une
exclusivité des uvres littéraires. Est-ce un
oubli du législateur ou de l'auteur du recueil
" Codes de lois usuelles". Heureusement à
l'article 11, il est stipulé: " Les uvres
littéraires , scientifiques et artistiques
protégées par le présent décret, comprennent: les
livres, manuscrit, brochures de tous genres, quelle
que soit leur longueur, les textes manuscrits ou
imprimés des conférences, discours, leçons,
sermons et autres ouvrages de même nature; les
uvres théâtrales ou drames musicaux, les
chorégraphies et les pantomimes dont la scène est
fixée par écrit, ou sous une autre forme, les
compositions musicales avec ou sans paroles; les
dessins, les illustrations, les peintures, les
sculptures, les gravures, les lithographies; les
uvres photographiques et cinématographiques;
les sphères astronomiques ou géographiques, les
cartes , plans, croquis ou travaux plastiques
relatifs à la géographie, la géologie, la
topographie, l'architecture, ou tout autre science;
et enfin toutes les productions littéraires,
scientifiques ou artistiques, susceptibles d'être
publiées ou reproduites." Heureux constat. La
protection ne s'arrête pas aux uvres
littéraires.
Toutefois, dans cette longue liste, si " et
enfin toutes les productions littéraires,
scientifiques ou artistiques, susceptibles d'être
publiées ou reproduites." témoignent du
caractères indicatif des types d'uvres
énumérées, rien n'est dit à propos des
uvres: - audiovisuelles qui sont des séquences
animées d'images, sonorisées ou non; (aujourd'hui,
on parlera aussi de multimédia); - radiophoniques (
s'il faut admettre également qu'à la radio il y a
des adaptations d'ouvrages, des uvres
spécifiques [séries, feuilletons,etc.], des
reportages originales, etc;) - orales dans un pays
forte tradition orales; - folkloriques; ( quand on
sait le rôle du patrimoine immatérielle dans la
culture haïtienne) - relatives aux arts de la mode,
haute couture et cuisine.
A ces créations citées à l'article 11 sont
aussi protégées celles mentionnées aux articles 13
et 14. Il s'agit, notamment, des arts appliqués, des
traductions, adaptations, compilations, arrangements,
abrégés.
Les articles 11 à 14 du décret de 1968
dénombrent une quantité d'uvres
protégeables. Mélange hétéroclite. Ce souci
didactique est bien. Mais serait salutaire si le
texte tenait aussi compte de classes plus grandes que
sont les catégories. En effet, Les années changent.
D'autres pratiques de créations naissent. La
propension à utiliser la création des autres comme
matière inaugure l'ère des uvres composites.
Aujourd'hui, l'image de l'auteur en quête d'une
idée originale fait de moins en moins recette.
L'image du grand solitaire aussi. On crée à partir
de l'uvre d'autrui, c'est l'essence du rap. On
crée sous la direction d'un maître d'uvre. Le
producteur l'exemplifie en coordonnant les apports du
scénariste, du dialoguiste et du réalisateur pour
la création d'un film. On crée dans le cadre d'un
contrat de travail comme l'illustre la réalisation
des dictionnaires, des encyclopédies, des logiciels,
etc. La nécessité de protéger ces uvres
commande de les qualifier.
uvres simples
La catégorie uvre simple définit le
rapport : un auteur une uvre. Voilà ce qui
fait qu'on associe à Jacques Stéphen Alexis "
Compère Général Soleil ". Le Nègre Marron à
Albert Mangonès.
uvres complexes En 1964, Tomas Guttierez
Alea, sous le titre de Combite1 porte "
Gouverneurs de la rosée " à l'écran..
Cependant le passage d'un genre à un autre montre
qu'on est en présence de deux créations distinctes.
L'une résulte du travail d'un auteur, l'autre est le
produit de l'activité créatrice de plusieurs. A
titre d'exemple citons: le réalisateur, le
dialoguiste, le scénariste. L'adaptation relève des
créations complexes représentées par les
uvres composites, de collaboration et
collectives. En tenir compte peut éviter
l'arbitraire. A cette tâche, le décret de 1968 ne
s'y pas attelé.
uvres composites
En 1984, " Close the door 2" pousse sur
toutes les fréquences du pays. Ce morceau
réunissant plusieurs compositions d'auteurs
différents a été réalisé sans leur
participation. Chacune des chansons utilisées
conserve leur statut d'uvre autonome. Leur
incorporation dans ce tube de Dadou Pasquet n'enlève
pas à celui-ci le caractère d'uvre nouvelle
puisque cette version compas des musiques R&B et
Rythm Blues reflètent sa personnalité. Il a fait
une uvre composite. Il en est de même de
" Accolade3 ", chanson inaugurant la série
Pot-pourri lancée par Le Bossa Combo. Ce hit aux
allures d'anthologie musicale montre qu'une
uvre peut être la résultante d'un mélange
bien orchestré. Cette tendance à reprendre dans un
même genre une uvre préexistante a eu ses
notes de noblesse dans les nombreux remake qui
jalonnent la production cinématographique.
Rappelez-vous " Trois hommes et un couffin
", film français que les américains ont
rebaptisé " trois hommes et un bébé ".
uvre nouvelle certes, mais aucun des auteurs ne
peut revendiquer la propriété exclusive des droits
que ces uvres procurent.
uvres de collaboration
Certaines uvres, souvent, impliquent la
coopération de plusieurs auteurs. Dans le genre
musical, il faut un compositeur pour la musique, un
parolier pour le texte, un arrangeur pour la
finition. Associées, ces créations distinctes
deviennent une uvre de collaboration comme
l'illustre le cinéma. Etant dénombrable, chaque
apport peut connaître une exploitation séparée.
Ralph Boncy en a donné l'exemple en publiant dans un
recueil4 une bonne partie des textes de chanson qu'il
a écrits. Cette exploitation est possible quand les
contributions de chaque auteur est identifiable. Mais
dans la mesure où celles-ci fusionnent, aucun des
coauteurs ne peut prétendre vouloir en faire un
usage individuel. C'est le cas de " L'Amérique
saigne (Gun bless America) 5", roman double
titré dont la composition dilue l'apport effectif
des deux écrivains.
uvres collectives
La réalisation d'un logiciel, d'une base de
données, d'une encyclopédie est souvent
l'initiative d'un entrepreneur. Ce dernier investit
des sommes mirobolantes. Il cherche à avoir la
maîtrise juridique de ces créations dont il est le
seul à assurer les frais financiers. Aux Etats-Unis
la doctrine des works made for hire6 lui a déjà
donné gain de cause. En France, le résultat est
analogue. Pourquoi? Parce que la publication de
telles uvres se fait toujours sous le nom de la
personne ou de l'entreprise qui a eu l'idée de leur
création et pris à sa charge leur réalisation et
diffusion. Parce que ces uvres mobilisent un
nombre important d'auteurs salariés ne revendiquant
jamais personnellement leur titre d'auteur. Parce
qu'enfin, une fois l'uvre crée, les apports
restent impossibles à identifier tant ils se fondent
dans l'ensemble.
Ces uvres que le décret de 1968, à tort,
ne qualifiepas existent. Dans la perspective de
l'élaboration d'une nouvelle loi, quand on sait le
rôle des classes d'uvres dans la
détermination du titre d'auteur et de la durée de
protection, on ne peut passer sous silence
nécessité de qualifier les catégories.
La qualité d'auteur et le décret de
1968
L'article 19 énonce : " Le droit à la
paternité, sur une oeuvre littéraire ou artistique,
est le droit qu'a l'auteur de la publier sous son
nom...". " Non seulement il peut poursuivre
quiconque donne un faux nom à ses oeuvres, et lui
interdire de les publier sous un autre nom que le
sien, il peut poursuivre ceux qui usurpent son
nom". Stipule l'article 20. Ces extraits
rencontrent en substance la définition suivante : en
propriété littéraire et artistique est qulifié
d'auteur l'individu sous le nom duquel une création
est publiée et " qui apparaît comme tel dans
l'oeuvre par la mention de son, de sa signature, d'un
signe ou de toute autre expression permettant de
l'identifier ". Cette définition permet
d'dientifier un auteur physique certes, mais ne
reconnaît pas la qualité d'auteur à une personne
morale. Or il existe des agences de publicité, des
entreprises informatiques, des Journaux, bref des
institutions génératrices d'oeuvres qui travaillent
dans le pays. Elles sont souvent à l'initiative
d'oeuvres, assurent la coordination de leur
création, contrôle et dirige leur réalisation. Les
oeuvres nées dans ses conditions sont
régulièrement éditées, publiées, bref
divulguées sous le nom de l'entreprise. Même si
l'apport de chaque contributeur salarié peut être
identifié, n'ayant pas coopéré au tout, il faut
admettre qu'il ne peut revendiquer la paternité sur
le tout. Donc un journal est publié sous son nom et
non sur celui des rédacteurs car ils n'ont pas
plénitude de droit sur le tout. Une telle réalité
pourtant n'est pas prise en compte dans le décret de
1968. Le décret de 1968 protègent des oeuvres.
Cette protection doit s'étendre. Il reconaît le
titre d'auteur qu'à des individus créateur
uniquement. Il y a là un manque à combler. Qu'en
est-il des droits reconnus ?
Le droit d'auteur et le décret de
1968
" La notion des droits de l'auteur implique,
par elle-même, une forme particulière
d'appropriation complète. Elle donne naissance
indépendamment de toute idée d'intégration
matérielle dans les ouvrages de l'esprit qui en font
l'objet au concept juridique des propriétés
incorporelles ou intellectuelles sur lequel repose la
propriété littéraire et artistique protégée par
la loi " lit-on à l'article 2. Dans cette
sitpulation, on peut déceler le caractère mixte du
droit d'auteur que l'article 4 confirme. En effet, il
est stipulé que " ..., les droits subjectifs,
établis par rapport à l"ensemble des valeurs,
positives ou négatives ressortissant à une même
personne se divisant en droits patrimoniaux et
extraptrimoniaux, ... ". Cet extrait donne du
coup la filiation de la propriété littéraire et
artitique en Haïti. Il l'apparente au droit latin
qui privilégie l'approche dualiste. Voilà pourquoi
ce texte consacre le droit moral et les droits
patrimoniaux.
Droit moral
On parlera de droit moral à partir du moment où
aborde l'aspect du droit d'auteur qui dérobe au
droit réel. Il est lié à la nature même de l'acte
de création. En effet, créer suppose la décision
de mettre sous une forme concrète quelque chose que
l'on a à l'intérieur de soi. Ce passage du soi
intime d'un auteur au monde externe porte le nom
d'oeuvre. Emanation de la pensée, sa mise en forme
implique la prise en compte d'attributs de contenu
spirituel qui font de toute création un ouvrage de
l'esprit où siège l'âme. Ainsi, plus qu'un objet
matériel, une oeuvre esrt aussi l'expression de
cette réalité impalpable l'individuant jusqu'à la
confondre avec son créateur. L'un adhère à l'autre
de telle sorte que publier signifierait livrer son
âme, son esprit, sa pensée, bref sa personnalité
au monde externe. Cette relation gémellaire nous
apprend que la mise en circulation d'une oeuvre, si
l'on doit tenir compte de ce lien inaliénable, peut
mettre en jeu la réputation, le prestige, l'individu
même. Il résulte de ce rapport une question d'ordre
moral. D'où la reconnaissance d'un droit lié à la
personne d'un auteur : il s'agit du droit moral.
" Faisant partie des attributs de la
personnalité, ce droit moral ou extrapatrimonial,
non susceptible d'évaluation pécuniaire, demeure
intangible et est inaliénable et inestimable "
dit larticle 5.
De la reconnaissance à l'exercice du
droit moral
Pour faciliter son application, le décret de 1968
répartit sur un ensemble d'articles des attributs du
droit moral. On y retrouve : - le droit de
divulgation :établissant que " l'auteur seul
peut décider si son oeuvre doit être ou non
publiée " (art.19). Voilà pourquoi " Nul
ne peut contraindre l'écrivain ou l'artiste à
livrer sa personnalité intellectuelle ou morale au
public " (art.7). - le droit de paternité :
" L'auteur a au surplus, la faculté de choisir
entre la publication de son oeuvre, sous son nom, ou
sous un autre nom ou d'une façon anonyme ". Ce
libellé de l'article 7 est repris également à
l'article 19. Décider de donner son nom à une
oeuvre ou non n'est pas l'unique attribut du droit de
paternité. " L'auteur est également investi du
droit de défendre son nom. Non seulement il peut
poursuivre quiconque donne un faux nom à ses
oeuvres, et lui interdire de les publier sous un
autre nom que le sien, il peut poursuivre ceux qui
usurpent son nom " dit l'article 20. - Le droit
au respect ou l'intégritéde l'oeuvre : l'article 46
énonce que " L'auteur d'une oeuvre queconque,
qui est protégée, conserve, lorsqu'il dispose de
ses droits d'auteur, par vente, cession, ou d'autre
manière, la faculté ..., de s'opposer à toute
modification ou utilisation de celle-ci qui pourrait
être préjudiciable à sa réputation d'auteur à
moins que, par consentement antérieur ou postérieur
à cette modification, il n'ait cédé cette faculté
ou qu'il n'y ait renoncé ". La teneur de ces
dispositions se retrouve également à l'article 9
précisant que " si l'auteur consent à laisser
publier son oeuvre, suivant un mode déterminé, elle
ne peut être que suivant ce mode. Les conventions
établies à cet effet, sous forme de contrat
d'édition, de reproduction, de représentation,
tiennent lieu de lois aux parties, conformément à
l'article 925 du code civil ".
Droit de divulgation, droit de paternité, droit
à l'intégrité ; ces attributs du droit moral que
le décret de 1968 reconnaît ne couvre pas tout le
champ. Il ya un dernier enseveli dans le silence du
texte. Il s'agit du droit de repentir ou de retrait.
En effet, un auteur, après avoir autorisé, sous
contrat l'exploitation d'une oeuvre, par suite de
l'évolution de ses conceptions artistiques,
nonobstant les oeuvres d'art plastique, peut décider
de sortir de la circulation, une création qu'il a
préalablement consentie à livrée au public.
Toutefois, ce retrait étant préjudiciable à
l'investissement de celui ou de celle qui en a
acheté des droits, il convient de garantir ses
intérêts économiques.
Droits patrimoniaux
Une oeuvre est susceptible d'exploitations
diverses. Ainsi, un livre peut être adapté à
l'écran, traduit, mis en scène, et. S'il faut tenir
compte des moyens de diffusion tels le disque, la
cassette, le câble , le satellite, l'internet, on
comprend que le fruit du travail d'un auteur fait
l'objet d'utilisations de toutes sortes. Relevant du
monopole de l'auteur, l'ensemble s'appelle les droits
patrimoniaux divisés, selon la conception
traditionnelle, en droit de reproduction et droit de
représentation dont le décret de 1968 en fait un
amalgame. Ainsi, à l'article 10, on trouve un
mélange hétéroclite. En effet, en ce qui concerne
son uvre, " l'auteur pourra: a) la
publier, soit sous forme imprimée, soit sous toute
autre forme; b) la représenter, la réciter,
l'exhiber, ou l'exécuter publiquement; c) la
reproduire, l'adapter ou la présenter par la
cinématographie;
je vous fais grâce du reste. L'important ici est
de constater qu'au-delà de l'amalgame il n'y a ni
définition, ni limitation. En effet, : - la
reproduction portant sur la fixation matérielle
d'une uvre par tous procédés qui permettent
de communiquer une uvre de manière indirecte
au public n'est définie nulle part dans ce décret.
Cette fixation matérielle peut se faire par
imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et
tout procédé des arts graphiques et plastiques,
enregistrement mécanique, cinématographique ou
magnétique, aujourd'hui, numérique. Pour les
uvres d'architecture elle consiste également
dans l'exécution répétée d'un plan ou d'un projet
type. - La représentation qui concerne la
communication au public d'une uvre par un
procédé quelconque et notamment: a) récitation
publique,, exécution lyrique, représentation
dramatique, présentation publique projection et
transmission dans un lieu public de l'uvre
télédiffusée; b) par télédiffusion; c) par
satellite; d) aujourd'hui par internet connaît le
même sort. A l'exception de la parodie et du
pastiche mentionnés à l'article 31, à ces droits
dont les contours sont flous dans le décret de 1968,
aucune limitation n'est apportée. Ainsi, au même
titre que pour l'utilisation commerciale d'une
uvre, l'exploitation d'une uvre
répondant à un objectif privé et personnel est
donc, devant le silence du texte, passible
d'autorisation expresse si l'on part du principe : ce
qui n'est pas autorisé n'est pas permis. Or la
grande majorité des lois du système latin admet les
copies destinées à l'usage strictement privé, les
courtes citations justifiées par le caractère
critique, pédagogique, scientifique ou d'information
de l'uvre à laquelle elles sont incorporées;
les revues de presse; la diffusion, même intégrale,
par la voie de la presse des discours prononcés par
les assemblées politiques, administratives,
judiciaires, académiques; la parodie, le pastiche,
la caricature, compte tenu des lois du genre.
Si le régime romanogermanique admet des limites
à l'exercice des droits patrimoniaux, il prévoit un
droit compensatoire qui n'est pas à la charge des
copistes pour leur usage privé et personnel mais à
celle des tiers responsables: c'est le droit à
rémunération appelé rémunération pour copie
privée. Le décret de 1968 ne consacre pas ce droit.
L'ensemble des droits signalés ci-dessus ne ferment
pas la liste. Il y en a un très important omis dans
le décret de 1968 qui mérite notre attention: il
s'agit du droit de suite.
Le droit de suite consiste en la perception au
profit de un auteur d'uvres artistiques une
part du prix (2 à 10%) des reventes des originaux de
ces uvres. Il s'applique à l'occasion des
ventes aux enchères, ou autres ventes réalisées
par un commerçant ou un agent commercial, bref dès
qu'il y a aliénation de celle-ci. Ce droit est
instauré en raison du fait que les auteurs
plasticiens ne reçoivent aucune rémunération pour
la communication publique de leurs uvres. Donc,
comme les collectionneurs, les marchands d'art, etc.
il est normal qu'ils participent au succès
économique de leurs uvres admettent certaines
législation.
Les droits patrimoniaux sont limités dans le
temps. A la mort d'un auteur titulaire, ils sont
légués aux héritiers pour un temps avant de tomber
dans le patrimoine national. Ce qui porte à poser le
problème de la durée de la protection.
La durée de protection et le décret
de 1968
Le décret du 9 janvier 1968 sur les droits
d'auteurs d'uvres scientifiques, littéraires
et artistiques, pour faire suite à l'article 23,
dispose en son article 24: " A la mort d'un
auteur, les mêmes prérogatives passent à ses
héritiers qui en bénéficient, comme titulaires de
ses droits patrimoniaux pendant vingt-cinq ans, à
compter de son décès, dans l'ordre et selon les
règles déterminées au Code Civil pour les
successions. Après quoi les ouvrages protégés
tombent dans le domaine public". Les uvres
concernées par l'article cité ci-devant
enrichissent le bien commun. Chacun peut les
exploiter sans être inquiété. Ce sont des ouvrages
libres de droit. Ainsi, pour reproduire une
uvre relevant du patrimoine national après
l'extinction de la durée de protection, il n'est
aucunement besoin de solliciter l'autorisation des
ayants droit. Libre utilisation pour les uvres
tombées dans le domaine public certes, mais la
reproduction d'ouvrages doit tenir compte des
facteurs faisant varier la durée de protection.
I- Facteurs déterminateurs de la
durée de protection.
a) Le type d'uvre - s'il s'agit d'un ouvrage
de collaboration c'est-à-dire une uvre dont
plusieurs auteurs participent à la création, la
durée de protection post mortem commence à courir
après la mort du dernier des coauteurs ; - s'il
s'agit d'une oeuvre pseudonyme ou collective, la
durée de protection est de cinquante année à
compter de l'année civile suivant de la publication.
Si une oeuvre collective publiée en plusieurs
volumes, la durée de protection est de cinquante
année à compter du premier janvier de l'anné de
chaque tome publié. Si l'ensemble est publié sur
une période de 20 ans, la durée de protection esrt
de cinquante ans à compter de la publication du
dernier élément.
b) le type d'édition - édition posthume: La
protection est de cinquante ans à compter de la date
de la première publication, - édition critique:
s'il s'agit d'une uvre critique d'un ouvrage
tombée dans le domaine public, celle-ci jouit d'une
durée de protection de trente ans. c) les
instruments internationaux citons entre autres, : -
la Convention de Berne que Haïti a réintégré en
1996 qui fixe en son article 7 alinéa 1 la durée de
protection à un minimum de cinquante ans.
Si l'on doit faire abstraction de la
réintégration à l'Union qui est postérieure à la
rédaction du décret de 1968, ce texte n'a tenu
compte d'aucun de ces facteurs essentiels. De plus,
si les différents facteurs évoqués plus haut
permettent de comprendre que le respect stricte de
l'article 24 du décret de 1968 ne coincide pas
nécessairement avec la réalité de la durée de
protection des uvres au niveau international,
la réintégration de la Convention de Berne, en
vertu du principe de la superposition du droit
international sur le droit local, pose un double
problème: la possible renaissance des droits sur les
uvres tombées dans le domaine public, les
droits acquis des tiers.
II- Réintégration de la Convention
de Berne
Le 9 août 1995, un décret sanctionne la
réintégration d'Haïti à la Convention de Berne.
Redevenant partie à ce traité, le pays, en vertu du
principe de la superposition du droit international
sur le droit national, puisque cet instrument a force
obligatoire pour les Etats signataires, doit faire
sienne la durée de protection fixée par ladite
Convention. Ainsi, de vingt-cinq ans, la durée de
protection passe à cinquante. Cependant le silence
du décret de1995 sur le statut des uvres
déjà tombées dans le domaine public crée une
situation paradoxale susceptible d'attribuer à une
règle nouvelle la gestion des effets futurs d'un
acte né sous l'empire d'une autre plus ancienne.
Ainsi, toute reproduction d'uvres tombant sous
le coup dudit décret risque d'être confronté à la
renaissance des droits.
a) Renaissance des droits
- La Convention de Berne fixe à cinquante ans la
durée de protection. Haïti en réintégrant ce
traité double la durée de protection. Du coup, les
droits relatifs à des uvres déjà tombées
dans le domaine public peuvent renaître. Cette
éventualité peut surprendre dans la mesure où elle
tend à reprivatiser des ouvrages appartenant au bien
commun certes, mais, si aucun texte ne dit mot sur le
cas des uvres concernées par cette nouvelle
situation, il faut admettre que rien n'interdit à
leurs ayants droit de vouloir bénéficier de cette
prolongation.
b) probable mise en cause des droits
acquis - Un livre tombé dans le
domaine public peut être exploité par n'importe
quel éditeur. C'est un droit acquis. Cependant, il
peut arriver qu'un acte antérieur au décret
sanctionnant la réintégration d'Haïti à la
Convention de Berne ne soit pas définitivement
accompli. Dans ce cas, il tombe dans le champ
d'application de ce décret et est soumis à ses
effets immédiats. Voilà un acte légitimement
accompli qui, en vertu du principe de conflits de
lois dans le temps va être remis en cause. Si un
acte d'opposition lui est signifié, que va faire cet
éditeur avec sa reproduction non encore
commercialisée? Le décret de 1995 n'en dit mot. Si
celui qui entend bénéficier de la nouvelle règle
agit dans son droit, n'est-il pas juste de protéger
les intérêts de ceux qui investissent pour faire
connaître les uvres du passées. En tout cas,
il faut convenir que, si aucune disposition légale
ne vienne statuer sur l'avenir de ses uvres
déjà tomber dans le domaine public avant la
réintégration, le risque de conflits de lois
pourrait engendrer maints litiges autour des droits
liés à leur exploitation. Aussi pourrait il
remettre en cause des actes légitimement accomplis
avant la résurrection probable desdits droits.
L'exploitation des droits et le
décret de 1968
" Les auteurs ont le droit exclusif, durant
leur vie, de vendre, faire vendre, distribuer,
représenter, traduire ou faire traduire dans un
autre idiome, leurs ouvrages généralement
quelconques, d'en céder la propriété en tout ou en
partie, en employant des procédés appropriés à la
reproduction de chaque catégories d'ouvrages, compte
tenu des énonciations de l'article de l'article 10
du présent décret". Ce stipulé indique qu'une
personne autre que l'auteur d'une uvre peut
être titulaire des droits sur une oeuvre. Ainsi, il
résulte que ces droits peuvent être cédés comme
l'attestent les verbe vendre ou faire vendre.
Cependant, en dehors de l'exigence de l'écrit comme
témoignage du consentement d'un détenteur de droits
sur une uvre, rien n'est dit sur les conditions
dans lesquelles la cession doit être exécutée.
Aussi le décret de 1968 fait-il abstraction
d'éléments essentiels tels que la mention
distincte, le domaine d'exploitation, le mode de
rémunération, etc. A ces lacunes s'ajoutent
l'absence dans ce décret de dispositions
particulières à certains contrats comme le contrat
d'édition, le contrat de production audiovisuelle,
le contrat de commande pour la publicité, le contrat
de commande pour la publicité, le contrat de
représentation, le contrat général de
représentation. Ainsi, dans ce texte, les contrats
ne sont pas définis. Les obligations des parties non
plus. Aucune limitation n'est prévue. En matière
d'édition littéraire par exemple, il n'est pas dit
quel contrat est régi par le droit d'auteur. Or, les
contrats, dans ce domaine de la création, ne sont
reconnus que les contrats passés avec un éditeur.
Voilà pourquoi les contrats à compte d'auteur et
les contrats de compte à demi ne sont pas protégés
par le droit d'auteur. Si aux auteurs, le décret de
1968, malgré les lacunes, reconnaît un certain
nombre de droits, tous les artistes n'ont pas eu ce
privilège.
Les droits voisins et le décret de
1968
A côté des auteurs, il existe d'autres
titulaires de droits à titre originaire. Il s'agit
des artistes interprètes exécutants, des
producteurs de phonogrammes, des producteurs de
vidéogrammes, des entreprises de communication
audiovisuelle. Les droits qui leur sont attribués
portent le nom de droits voisins ou connexes. Comme
le droit d'auteur, ces droits ont un aspect moral
lié au respect du nom et de la qualité de la
prestation de l'artiste interprète, un aspect
financier qui bénéficient à l'ensemble des
titulaires. Sur la protection des droits voisins, Le
décret de 1968 reste muet.
Les sanctions et le décret de 1968
L'article 21 du décret de 1968 énonce que "
L'usage frauduleux du nom d'un auteur est une
contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
Dans ce cas, les peines d'amendes et de confiscation
prévues, suivant l'espèce, aux articles 349,350,351
du Code Pénal qui seront appliquées par le tribunal
correctionnel compétent, la victime de l'infraction,
en se constituant partie civile, pourra aussi
réclamer des dommages-intérêts, devant la
juridiction répressive, en conformité des articles
3 du CIC..., 1168 et 1169 du Code Civil ".
Les peines d'amende prévues au code pénal ne
sont nullement dissuasives. En effet, pour un acte de
contrefaçon selon l'article 349 du code pénal
" la peine contre le contrefacteur, ou contre
l'introducteur, sera amendée de cent gourdes au
moins et de quatre cent gourdes au plus; et contre le
débitant, une amende 16 gdes au moins et de
quatre-vingt gdes au plus ".
En ce qui concerne les représentations, le code
pénal ne se montre pas plus sévère. Car "
tout directeur, tout entrepreneur de spectacle, toute
association d'artistes, qui aura fait représenter,
sur son théâtre, des ouvrages dramatiques, au
mépris des lois et règlements relatifs à la
propriété des auteurs, sera puni d'une amende de
vingt-quatre gdes au moins, de quatre-vingt au plus,
et de la confiscation des recettes". Le tout au
profit du titulaire des droits.
Si pour les la saisie-contrefaçon des peines sont
prévues, par contre rien ne dit quel sort est
réservé aux produits d'exploitation qui revenir à
un auteur ou à son conjoint et sa progéniture dans
le cas d'une saisie-arrêt. En de hors des amendes
dérisoires, le décret ne prévoit pas
d'emprisonnement, ne dit mot sur les cas de
récidive, ni ne mentionne des mesures plus graves à
l'encontre des personnes physique ou morales
impliquées dans de ltes actes.
Parler de contrefaçon et de sanction, c'est
parler de capacité de contrôler les utilisations
licites d'une uvre. Mais tout le monde le sait:
l'uvre jouit du don d'ibiquité, l'auteur non.
Voilà pourquoi les utilisations et exploitations
massives échappent au contrôle des titulaires de
droits. Face à cette réalité, les auteurs sont
impuissants. Ils ne peuvent ni défendre, ni exercer
les droits que la le décret leur recopnnaît. Cette
situation offre l'occasion de dénoncer dans ce
décret l'absence de dis positions relatives à la
gestion collective des droits et aux organisme
d'auteurs. Dommage. En tous cas, il y a déjà 135
ans que le droit d'auteur est reconnu. A ce jour, il
n'existe ni jurisprudence, ni même action du
ministère public tel que dit dans l'article 37 du
décret. Alors, plus qu'une affaire de reconnaissance
de droit, la propriété littéraire et artistique en
Haïti est plutôt liée à l'application de la loi
et aux moyens afférents la propriété littéraire
et artistique en Haïti.
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1 Lafontant-Médard Michaêlle, "Le cinéma
haîtien de 1882 à 1982 vu a travers le film des
événements", Septembre 1983 Conjonction
n°158-159, IFH, P-au-P,p11-61.
2 Dadou Pasquet, Dadou pasquet et le Magnum Band,
Ciné Disque, P-au-P, 1984.
3 Bossa Combo, Accolade, Mini Records, P-auP,
1978.
4 Boncy Ralph, Chansons et pretextes, Imprimeur
II, P-au-P, 1988.
5 Franckétienne, Dambreville Claude, L'Amérique
saigne (Gun bless América), Imprimeur II, P-au-P,
1995.
6 Lucas André, Droit d'auteur et numérique,
Litec, paris, 1998